Anévrysme de l’aorte abdominale

L’anévrisme de l’aorte abdominale est une maladie de la paroi artérielle, responsable d’une augmentation progressive du diamètre et d’une fragilité de la paroi, qui survient essentiellement à partir de la soixantaine. Jusqu’au début des années 80, on considérait que ces anévrismes étaient essentiellement liés au développement de l’athérosclérose et donc en rapport avec les facteurs de risque cardio-vasculaire (tabac, hypertension artérielle, cholestérol…). Des données récentes témoignent du rôle de facteurs génétiques qui précipiteraient l’évolution de cette maladie. Malgré l’existence de formes familiales, le marqueur génétique n’a pas encore été localisé.

Les anévrismes de l’aorte étant le plus souvent asymptomatiques, le diagnostic peut être fait dans plusieurs circonstances :

  • Fortuitement au cours d’un examen clinique (masse abdominale battante) ou radiologique (échographie, scanner) réalisé pour une autre pathologie.
  • Au cours du bilan d’une artérite des membres inférieurs ou chez les sujets à haut risque.
  • A l’occasion d’une complication aiguë (embolie, rupture +++).

EXISTE T ’ IL UNE ALTERNATIVE AU TRAITEMENT CHIRURGICAL ?

La place du traitement médical est restreinte. La correction des facteurs de risque cardio-vasculaire est nécessaire (arrêt du tabac, règles hygiéno-diététiques). Certaines équipes ont proposé, de façon empirique, l’utilisation de traitement médical (bêtabloquant) afin de ralentir l’évolution des anévrismes. L’efficacité de ce traitement n’est pas démontrée.

Le taux moyen de croissance des anévrismes est estimé à environ 10 % par an. L’extrême gravité de la rupture (80 % de mortalité) justifie le traitement chirurgical des anévrismes dont le diamètre est supérieur à 5 cm.

QUELLES SONT LES MODALITES DE L’INTERVENTION CHIRURGICALE  ?

L’intervention est précédée d’un bilan morphologique de l’anévrisme par un scanner abdominal. La consultation avec le médecin anesthésiste permet également de déterminer d’éventuelles explorations cardiaques (échographie, scintigraphie, coronarographie) ou respiratoires à réaliser avant l’intervention.

L’intervention est pratiquée sous anesthésie générale. Le principe de base de l’intervention consiste à exclure la poche anévrismale de la circulation sanguine.

Le traitement classique ou « mise à plat – greffe » date des années 60. Il comporte l’ouverture de l’abdomen et l’implantation d’une prothèse tubulaire ou bifurquée en polyester (Dacron) à la place de la zone anévrismale. Ce pontage prothétique peut être prolongé sur les artères iliaques ou fémorales en fonction de l’extension de l’anévrisme. Cette intervention nécessite un bon état général et l’absence de pathologie grave (cardiaque +++). La durée d’hospitalisation varie de 8 à 15 jours, dont 24h minimum, en unité de Soins Intensifs.

Le traitement endovasculaire, plus récent, consiste à introduire par les artères fémorales, une prothèse comprimée dans une gaine. Cette endoprothèse est déployée sous contrôle radiologique dans l’aorte abdominale afin de couvrir la totalité de l’anévrisme. La durée moyenne de l’hospitalisation est de 5 jours.

QUELS SONT LES ACCIDENTS ET INCIDENTS POSSIBLES AU COURS DE L‘INTERVENTION ?

En dépit de tout le soin apporté, il peut se produire au cours de l’intervention, dans de rares cas, des incidents qui sont pour la plupart aussitôt identifiés et traités. Il peut s’agir :

  • Plaies des vaisseaux de voisinage (veine cave inférieure, veines iliaques), responsables d’hémorragies importantes. Elles peuvent nécessiter une transfusion de produits sanguins.
  • La conversion chirurgicale (chirurgie classique) en cas d’endoprothèse (0-15 %), est proposée, soit en cas d’impossibilité de « monter » l’endoprothèse, soit en cas de rupture artérielle. Elle devient de plus en plus rare avec l’amélioration du matériel et le respect d’indications strictes.
  • Accidents d’anesthésie : ils sont exceptionnels. Une information spécifique vous sera délivrée au cours de la consultation préopératoire.

QUELLES COMPLICATIONS PEUVENT SURVENIR APRES L’INTERVENTION ?

  • Hémorragie : elle survient essentiellement dans les 48 premières heures et peut rendre indispensable une transfusion et une réintervention chirurgicale rapide.
  • Ischémie aiguë et embolies artérielles sont la conséquence de l’obstruction du pontage ou de la mobilisation du dépôt de caillots situés dans la poche anévrismale. Dans les cas extrêmes, cela peut aboutir à une amputation de tout ou une partie des membres inférieurs.
  • Insuffisance rénale aiguë, le plus souvent conséquence de complications multiples (hémorragie, ischémie), elle peut nécessiter le recours, le plus souvent provisoire, à l’hémodialyse (rein artificiel). Il s’agit parfois de l’aggravation d’une insuffisance rénale préexistante.
  • Insuffisance respiratoire aiguë, en rapport avec la décompensation d’une atteinte respiratoire antérieure (bronchite chronique) ou avec la survenue d’une complication infectieuse (pneumopathie, surinfection bronchique). Elle peut prolonger la durée de la ventilation assistée et donc le séjour en Réanimation.
  • Infarctus intestinal, le plus souvent localisé à la partie terminale du colon gauche, vascularisée par l’artère mésentérique inférieure. Ce risque est minimisé par le respect d’une tactique chirurgicale rigoureuse.
  • Complications cardiaques, dominées par le risque d’infarctus du myocarde. Ces complications justifient la réalisation d’un bilan préopératoire (échographie, scintigraphie, coronarographie) à la recherche d’une atteinte coronarienne sévère, qui devrait être traitée avant la chirurgie aortique.
  • Phlébite et embolie pulmonaire : le risque est faible, prévenu par la prescription systématique d’un traitement anticoagulant.
  • La mortalité globale varie de 3 à 7 % pour la chirurgie classique, dans les publications internationales.

A distance, les résultats de la chirurgie classique sont bons. Des problèmes de fragilité de la paroi abdominale (éventration), de troubles sexuels (éjaculation rétrograde) et d’évolutivité de la pathologie anévrismale peuvent survenir et justifient une surveillance régulière de tous les opérés.

Dans l’état actuel des connaissances, en raison de l’incertitude sur le devenir à long terme des endoprothèses aortiques, un suivi régulier (3 mois, tous les six mois) est impératif. Le risque essentiel est représenté par la persistance ou l’apparition de « fuites » (5 – 40 %) en rapport avec une mauvaise étanchéité de la prothèse ou avec la persistance d’artères alimentant l’anévrisme (lombaires, mésentérique). Ces fuites doivent être dépistées et traitées car elles risquent de contribuer à l’évolutivité de l’anévrisme (rupture).